Avant-propos
C’est avec un réel plaisir que j’ai accepté sur le champ la proposition des Editions SIGNATURA,(1) de faire l’avant propos de cette réédition des Fêtes à travers les âges de Pierre GORDON.
Mais je ne saurai ici, passer sous silence toute ma reconnaissance envers cet authentique libraire qu’est Philippe SUBRINI sans qui pour moi, Pierre GORDON serait sans doute resté un illustre inconnu. C’est encore lui qui, en rédigeant la préface (2) des « Vierges Noires » de Pierre GORDON (Ed. Signatura 2003), montre ainsi qu’il sait, en temps opportun, prendre aussi la plume et joindre le geste à la parole.
C’est peu de dire que pour le psychologue et praticien que je suis, Pierre GORDON a été une révélation.
La pertinence et la haute qualité des écrits et propositions de Pierre GORDON ont également complètement conquis le cherchant en moi.
Sa vision et sa compréhension du cheminement de l’âme humaine à travers les âges sont d’une extraordinaire fécondité, dans la mesure où elles réussissent le tour de force de « re-unir » cheminements mentaux du cerveau humain et manifestations externes de ces processus internes.
Rien ne saurait être plus éclairant que les différentes conceptions du calendrier à travers les âges par les divers « modèles du monde » des hommes, au gré des civilisations successives, en tant qu’émergence et concrétisation de l’évolution des « croyances humaines » au sens le plus large qui soit.
Pierre GORDON est le seul auteur, à notre connaissance, qui parvient à concilier les éléments les plus avant-gardistes des conceptions psychologiques actuelles et la compréhension de l’histoire des religions, comme des mythologies.
Sa vision du fonctionnement de la pensée humaine est reprise en écho dans les courants d’idées issus de Palo Alto (3) et de leur rafraîchissante vivification d’un monde appréhendé par l’approche systémique.
C’est cette école qui, entre autre, a inspiré la « Prophétie des Andes » de James Redfield, dont le succès mondial met en évidence toute l’importance que conserve pour l’homme – même moderne – de se rattacher à ses aspects intimes les plus fondamentaux.
La lecture des Fêtes à Travers les âges est une brillante illustration de l’infinie fécondité des conceptions humaines. Nous y voyons en effet les trésors d’ingéniosités déployés par les hommes dès « l’Origine », pour faire parvenir et transmettre, depuis ces temps immémoriaux le même message du Sacré, de la tradition Primordiale.
Cette dernière transparaît encore dans le « Message des hommes vrais » (4) de Marlo MORGAN, qui nous laisse entrevoir chez les aborigènes d’Australie, la haute sagesse d’un enseignement ancestral tel que l’exhume Pierre GORDON dans La Révélation Primitive en particulier, comme dans l’ensemble de son œuvre en général, à chaque fois qu’il évoque l’héritage de la « Théocratie Pastorale » de l’Âge d’Or.
Pourtant ces succès de librairie, ne sont dans leur message, qu’un mince reflet, de la grande lumière que diffuse Pierre GORDON, à travers son œuvre sur l’histoire des religions et la compréhension des rites.
Malgré les expressions changeantes des temps et des civilisations; toujours, le même message d’espoir de la vie éternelle transparaît à travers les pratiques variés, parvenus jusqu'à nous, des sociétés dites discrètes, se réclamant de la Tradition.
Ce message est celui des « rites de mort et de résurrection » qui sous-tendent en dernier lieu toute conception humaine du sacré. C’est là l’un des points fondamentaux de la vision de Pierre GORDON.
Qui, avant pierre GORDON à son époque, et encore aujourd’hui a eu l’audace d’embrasser d’un si large regard l’histoire religieuse de l’humanité dans ce qu’elle a de fondamental ?
Au delà des modes et des courants d’idées les plus audacieux de son époque (5), dont il se sert avec brio et discernement, il innove, en faisant une magistrale synthèse entre la sociologie, la mythologie, l’ethnographie, l’histoire des religions, la philosophie et même l’ésotérisme, qu’il aborde débarrassé de toute la charge de prétendus mystères magnifiés par le symbolisme moderne, qui souvent ne dépasse guère les supputations personnelles, propres à leurs auteurs.
C’est justement cette hauteur qui caractérise les brillantes conceptions de Pierre GORDON, fortement étayées d’une rigueur quasi mathématique et fécondées par de géniales intuitions dont l’inspiration est toujours renforcée par un tel faisceau d’éléments significatifs, que, s’en même rendre compte, on se retrouve a partager ses vues.
Nulle part ailleurs, le lien entre les diverses manifestations du sacré sur terre depuis la nuit des temps n’est plus clair que chez Pierre GORDON.
Avec lui nous comprenons le sens des fêtes actuelles, qui sont, pour qui peut encore entendre, la réitération – souvent édulcorée et transformée certes, mais réitération quand même – de ce qui « Est » de toute éternité.
Cette lecture, donne réponse au fait, qu’aujourd’hui encore, on ne trouve pas de corps de métier si nouveau soit-il, qui n’ait de cesse que de se rattacher à un Saint Patron.
Vous comprendrez encore pourquoi chaque ville possède un Saint, protecteur.
Loin de minimiser nos fêtes chrétiennes, les Fêtes à travers les âges ne font que renforcer leur sens profond, mettre en exergue leur sacro sainte et lointaine provenance.
Les Fêtes à travers les âges est une véritable mine d’informations, une magistrale synthèse de la multitude d’éléments disparates livrés par l’histoire, et les chercheurs de plusieurs départements des sciences humaines, confondus. Pierre GORDON a le mérite d’éclairer tout cela d’une plume concise et d’un esprit dont la clarté est inséparable d’une indiscutable logique.
Ainsi, il semble bien que depuis la plus haute antiquité, mais sous des formes différentes, déterminées par l’évolution économique et sociologique entre autre de nos sociétés, le sens du sacré se soit exprimé par les Fêtes.
C’est cette histoire des Fêtes, de leur origine, évolution, transformation, adaptation, et de leur sens, que nous expose ici Pierre GORDON.
D’aucun, se demanderont sans doute, si cet auteur quasi inconnu, et dont les écrits datent du milieu du XXème siècle, ne sont pas déjà dépassés.
À ceux-là, nous proposons plusieurs éléments de réflexion :
- D’une part, ce qui concerne le sacré ne saurait porter de sceau temporel, puisque justement sa principale caractéristique est d’être hors du temps. C’est ainsi qu’entre autre, on peut comprendre que travailler en Loge, est se soustraire au temps profane puisque c’est uniquement à l’extérieur que l’Horloge (hors loge) sévit et continue d’égrainer le temps terrestre.
- Pierre GORDON se réfère aux plus vieilles cosmogonies comme aux légendes les plus anciennes et nous montre les liens et le sens sacré unitaire de leur « hétéroclite somme ».
-Quand d’autres approches donnent des sens parcellaires et de peu de cohérence, Pierre GORDON inscrit sens et cohérence en harmonie dans sa démarche et ses démonstrations.
-Pierre GORDON montre la genèse et la source de cette Tradition Primordiale que d’autres auteurs ne font que nommer.
Rien n’a jamais daté la mythologie, qui par la force des choses ne saurait s’inscrire dans l’Histoire telle que nous la concevons aujourd’hui. L’ Histoire ne fait que donner du sens aux bribes parcellaires parvenues jusqu'à nous.
L’explication et les éclairages que jette Pierre GORDON sur les jours épagomènes où alcyoniens, par exemple, sont une magistrale illustration de la compréhension que nos anciens avaient du sacré, de sons sens et de sa fonction.
Nous pourrions ainsi aborder presque chaque chapitre et relever à chaque fois ce que la pensée de Pierre GORDON a d’originel et non d’original. Il ne se démarque pas en effet par un apport nouveau.
Ce qu’il y a de nouveau chez lui c’est la découverte et la démonstration qu’en fait, rien justement, ne saurait, dans son fond, être nouveau.
À une époque où la multitude des formes ne cesse de masquer et dénaturer l’essence, ou plus personne ne semble se souvenir que toute rivière procède d’une source, – si ignorée ou inconnue des hommes fut elle – Pierre GORDON vient nous rappeler à sa manière l’existence de « La Source ».
Puissions nous entendre cela, et dépassant le stade de malentendant, saisir que la source sourd, pour que nous retrouvions le véritable entendement.
Cette modernité, n’en est pas une, car ce qui est éternel ne saurait être autrement que d’actualité, et cela quelque soit le lieu, le temps, ou la forme concernés . On en perçoit les prémices chez des auteurs contemporains (6), de plus en plus nombreux à citer Pierre GORDON en référence.
Ceux qui ont découvert, apprécié et goûté à la nourrissante sève de la pensée GORDONIENNE, sont parfois étonné de retrouver de ci, de là des thèses, portant la forte empreinte de sa vision. Ils peuvent aussi constater que nombre de chercheurs modernes, posent de nombreuses et pertinentes questions auxquelles Pierre GORDON …… a déjà répondu, en s’appuyant sur une interdisciplinarité déjà évoquée, qui fait de lui, un véritable précurseur en la matière.
Il est un pionnier, dont le type même d’investigations porte par sa nature la marque des grands esprits ayant pour pérenne toile de fond l’universalité des êtres et des choses.
Nous vous laissons à présent le plaisir de la découverte de cette réédition (7), et d’avance nous savons que, comme nous, vous n’aurez ensuite de cesse de faire connaître cet auteur magnifique dont l’humble discrétion (sa vie elle-même reste voilée de mystères) (8), s’inscrit dans le droit fil des transmetteurs immémoriaux qui chacun à son heure aura revivifié le sacro saint message qui, de toute éternité scelle le mystère du cœur des hommes.
(1)-Madame TAPIÉ de CÉLEYRAN et les éditions Signatura, ont entrepris avec détermination de faire découvrir et apprécier Pierre GORDON et préparent des éditions originales de trois autres titres inédits qui paraîtront dans les mois à venir.
(2)-Philippe SUBRINI, à l’occasion de cette préface, y fait un remarquable travail exhaustif concernant les publications de cet auteur dans les Cahiers du Sud.
(3)-De grands noms sont attachés a cette mouvance, nous ne citerons pour exemple que :
Gregory BATESON ; Paul WATZLAWICK ; Erving GOFFMAN ; Edouard. T. HALL ; etc…
(4)-Ce qu’il nous intéresse ici de souligner, c’est que cet ouvrage, sous forme de récit vécu, vient illustrer et confirmer les thèses de Pierre GORDON.
(5)-Pierre GORDON se réfère à des auteurs comme DUMÉZIL ; FRAZER ; DONTENVILLE ; SEBILLOT ; VAN GENEPP ; DURKEIM ; CONTENEAU ; etc…….
Les auteurs classiques de l’antiquité auxquels il fait souvent référence, vont d’HÉRODOTE à PLATON en passant par BÉROSE et DIODORE de SICILE entre autre, sans oublier les grands textes sacrés de l’humanité.
(6)-Quelques universitaires, semblent s’affranchir de la discrète, mais toute puissante « Tour d’Ivoire » de la Faculté, et commencent à citer Pierre GORDON.
(7)-La première édition date de 1983. Pierre GORDON disparu en 1951, n’a pu en voir la publication.
(8)-Voir a ce sujet :
Revue Atlantis : « Qui était Pierre Gordon ? Une biographie introuvable. Il semblerait qu’il fût une sorte de Fulcanelli ». N° 394, p. 335, 1998.
POULAT Emile : Revue des Archives de sciences sociales des religions, n°92, 1995
-Emile POULAT se pose la question de savoir qui est Pierre GORDON.
« Qui était Pierre GORDON ? »
Actes du Xème Colloque de Politica Hermética, N° 10, pp. 175_178, éd. L’Âge d’Homme, 1996.